Une ouvrière du secteur textile sourit en faisant de la couture pendant son service dans une usine de confection au Nicaragua.

Mécanismes et organes de contrôle de l'OIT

Photo : © Marcel Crozet/OIT

Quelle est leur mission ? En quoi intéressent-ils le travail des équipes de pays de l'ONU ?

Depuis 1919, les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs se sont concertés pour faire adopter des normes internationales du travail sous la forme de 189 conventions qui ont donné lieu à des obligations conventionnelles internationales et à plus de 200 recommandations.

Huit de ces conventions ont été qualifiées par l'Organisation internationale du Travail (OIT) de "fondamentales" et considérées comme revêtant "une importance particulière aussi bien pour promouvoir les droits de l'homme et créer les conditions favorables de la réalisation d'autres objectifs stratégiques poursuivis par l'OIT, que du point de vue de la création d'emplois décents" [1]. Il est question notamment ici des conventions relatives au travail des enfants, au travail forcé, à la non-discrimination en matière d'emploi et de profession et à la liberté d'association. Plus récemment, les mandants de l'OIT ont également adopté le Protocole de 2014 relatif à la Convention de 1930 sur le travail forcé. Le fondement du droit à un emploi décent est le respect des droits fondamentaux des travailleurs tels qu'énoncés dans ces conventions. Les droits de l'homme ne sont pas uniquement le fondement du droit à un emploi décent. Le travail décent a été reconnu comme un droit humain en tant que tel et est également reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Celle-ci comporte en effet des dispositions traitant non seulement du droit au travail, mais aussi des différents aspects du travail décent, en proclamant notamment le droit à des conditions équitables et satisfaisantes de travail, à la protection contre le chômage, à l'égalité de rémunération, à la protection sociale, à la formation de syndicats et à l’adhésion à des syndicats [2]. Des dispositions similaires sont prévues par d'autres traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a clairement indiqué, dans son commentaire général n°18, que le "travail" tel que visé dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques signifie "travail décent", en faisant référence de manière précise à une série de conventions de l'OIT [3]. Les conventions et recommandations de l'OIT, de même que les commentaires formulés par les organes de contrôle de l'OIT précisent davantage encore la notion de "travail décent" et donnent corps au droit y afférent.

Ratification des conventions dites "fondamentales", par date (mars 2017)

  • Convention de 1930 sur le travail forcé (n° 29) - 178
  • Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n° 87) - 154
  • Convention de 1949 sur le droit d'organisation et de négociation collective (n° 98) - 164
  • Convention de 1951 sur l'égalité de rémunération (n° 100) - 173
  • Convention de 1957 sur l'abolition du travail forcé (n° 105) - 175
  • Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) [n° 111] - 174
  • Convention de 1973 sur l'âge minimum (n° 138) - 169
  • Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants (n° 182) - 180

Organes de contrôle de l’OIT

L'OIT dispose d'un système de contrôle établi de longue date qui travaille sur un très grand nombre de questions. Ce système est composé de différents mécanismes qui se renforcent mutuellement. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (dite "Commission d'experts") est le principal mécanisme de contrôle de l'OIT qui veille à ce que les gouvernements s'acquittent de leur obligation de soumettre des rapports réguliers en vertu des conventions que leurs États respectifs ont ratifiées. La Commission d'experts exerce ce contrôle pour l’ensemble des conventions et examine chaque année plus de 2.000 rapports nationaux. Elle formule ensuite deux types de commentaires : des observations et des demandes directes. Les observations, qui sont publiées dans le rapport annuel de la Commission, comportent généralement des remarques sur des questions fondamentales liées à l'application d'une convention donnée par l'État en question. Les demandes directes portent sur des questions plus techniques ou sur des demandes d'informations complémentaires et sont directement communiquées aux gouvernements concernés. Le rapport annuel de la Commission d'experts, qui comporte plus de 800 observations couvrant de nombreuses conventions est ensuite examiné par la Commission de l'application des normes de la Conférence internationale du Travail. Les rapports élaborés par ces organes de contrôle contiennent des observations et des conclusions qui concernent la vie quotidienne des personnes. Ils abordent la question des violations des droits ainsi qu’une éventail de questions ayant trait aux conditions requises sur les marchés de l’emploi pour favoriser la création d'entreprises et d'emplois, augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail, la protection sociale, la productivité et les relations entre les organisations de travailleurs et les organisations d'employeurs.

Outre les procédures habituelles de soumission des rapports, les mécanismes de contrôle de l'OIT prévoient un certain nombre de procédures de plainte ou de réclamation qui leur permettent de traiter des allégations de violation de conventions spécifiques. À cet égard, il existe également des procédures de représentation et de plainte et des procédures spéciales couvrant la question de la liberté d’association. Les communications individuelles ne sont pas traitées, mais les organisations de travailleurs et d'employeurs jouent un rôle important dans chaque processus de contrôle. Les différents mécanismes en question sont décrits dans ce tableau.

Le système de contrôle de l'OIT et les mécanismes de l'ONU relatifs aux droits de l'homme se renforcent et se complètent mutuellement. Les organes de contrôle de l'OIT se réfèrent régulièrement aux informations soumises aux organes de traités et aux organes de la Charte de l'ONU ainsi qu’aux rapports établis par ces organes. De même, les organes de traités et les organes de la Charte - y compris dans le cadre de l'EPU - se réfèrent aux conventions et procédures de l'OIT. La ratification des conventions de l'OIT est, par exemple, régulièrement recommandée dans le cadre de l'EPU. L'OIT fournit des rapports aux organes de traités et aux organes de la Charte et la Commission d'experts de l'OIT se réunit chaque année avec les membres du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour un échange de points de vue.

En quoi l’action des organes de contrôle de l’OIT intéresse-t-elle le travail des équipes de pays de l’ONU ?

Les différents mécanismes internationaux de promotion des droits de l'homme, dont les mécanismes de contrôle de l'OIT, mènent des travaux qui se renforcent mutuellement. Leurs observations, conclusions et recommandations doivent toutes être examinées par les équipes de pays de l'ONU si celles-ci veulent avoir une vue exhaustive de la situation des droits de l'homme dans les pays où elles opèrent, notamment pour pouvoir appréhender les situations qui posent particulièrement problème et les sujets très préoccupants. Les commentaires, conclusions et recommandations formulés par les organes de contrôle de l'OIT constituent donc une source de données importante pour la préparation du Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement (PNUAD), en ce qu’ils permettent d’identifier des domaines prioritaires de programmation et d’évaluer les progrès accomplis.

Tous les trois ans au moins, les gouvernements doivent présenter des rapports sur leur application des huit conventions fondamentales. Lorsqu’une communication est soumise par une organisation de travailleurs ou d'employeurs, il peut même être demandé au gouvernement d’établir un rapport en dehors du cycle habituel de soumission des rapports. Certaines situations peuvent même donner lieu à des informations et conclusions supplémentaires. C’est le cas lorsque des affaires sont portées devant la Commission de l'application des normes ou que des rapports de représentation ou de plainte à l’encontre d’un pays donné sont publiés. Tous ces mécanismes réunis fournissent une mine d'informations et d’éléments d'orientation utiles pour les équipes de pays de l'ONU, qui peuvent, à partir de ces données, appréhender et analyser l'état du respect des droits de l'homme dans les pays où elles opèrent et identifier les facteurs qui contribuent à la violation ou à la promotion d'un droit humain donné.

Les commentaires, conclusions et recommandations formulés par les organes de contrôle de l'OIT constituent donc une source de données importante pour la préparation du PNUAD, en ce qu’ils permettent d’identifier des domaines prioritaires de programmation et d’évaluer les progrès accomplis. Les Programmes par pays de promotion du travail décent fournissent eux aussi des éléments cruciaux pour le processus d’élaboration du PNUAD. Le rôle des organes de contrôle et des Programmes par pays de promotion du travail décent dans le processus d’élaboration du PNUAD a été souligné dans les documents d'orientation de 2010 relatifs au PNUAD (voir la section des ressources utiles).

En outre, les organisations de travailleurs et les organisations d'employeurs faisant partie de la structure de gouvernance de l'OIT, l'Organisation dispose souvent d’un accès facilité aux représentant·e·s des syndicats nationaux de travailleurs et d’employeurs. Les correspondant·e·s de l'OIT basé·e·s dans les pays peuvent jouer un rôle important en fournissant des informations pratiques et actualisées sur la situation locale des droits de l'homme et peuvent être des partenaires essentiels dans le processus d'élaboration et de mise en œuvre des stratégies et programmes relatifs ces questions. Ils·Elles interviennent souvent en première ligne pour traiter les problèmes relevant de la question des droits de l'homme dans les pays où ils·elles sont basé·e·s.

Collaboration avec les organes de contrôle de l’OIT : Liste de contrôle à l'usage des équipes de pays de l'ONU

Accédez à la version imprimable de la Liste de contrôle à l’usage des équipes de pays de l'ONU en cliquant ici.

  1. Connaître les conventions de l'OIT que l'État membre a ratifiées et, parmi les conventions non encore ratifiées, déterminer si le gouvernement s'est engagé à devenir partie à ces conventions.
     
  2. Prendre connaissance des observations et demandes directes de la Commission d'experts portant sur les conventions de l'OIT qui ont été ratifiées par le gouvernement.
     
  3. Pour obtenir davantage d’informations sur un sujet en particulier, prendre connaissance de l’enquête générale réalisée par le Comité d'experts sur le sujet en question et lire les observations générales portant sur l’application de certaines conventions.
     
  4. Établir si certaines des observations de la Commission d'experts concernant le pays ont été discutées par la Commission de l'application des normes de la Conférence.
     
  5. Lire le compte-rendu des discussions de la Commission de l'application des normes de la Conférence portant sur le pays concerné et examiner les conclusions adoptées.
     
  6. Déterminer si des représentations ou des plaintes ont été déposées récemment en vertu des articles 24 ou 26 de la Constitution de l'OIT.
     
  7. Lire tout rapport découlant de l’enregistrement de représentations ou de plaintes et tout document relatif à la suite donnée à ces représentations ou plaintes.
     
  8. Prendre connaissance de toute affaire récemment examinée par le Comité de la liberté syndicale et tout document relatif à la suite qui lui a été donnée.
     
  9. Parmi les questions soulevées par les organes de contrôle de l'OIT, déterminer lesquelles doivent faire l’objet d’interventions programmatiques prioritaires dans le cadre du PNUAD.
     
  10. Collaborer avec les organisations nationales d'employeurs et de travailleurs et avec les ministères chargés du Travail et de l'Emploi dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies et programmes.
     
  11. Prendre contact avec le Département des normes internationales du travail basé à Genève ou avec le·la Spécialiste des normes internationales du travail du Bureau national ou régional de l'OIT pour obtenir davantage d’informations et de conseils.

 

Étude de cas

Étude de cas au Myanmar sur le travail forcé

Le droit fondamental de ne pas être assujetti au travail forcé est lié à la nécessité de créer un environnement favorable à la liberté d'association et à la négociation collective. L'engagement pris de longue date par le le Myanmar pour lutter contre le travail forcé et les efforts déployés par le pays pour en promouvoir l’élimination sont un exemple notable de l’impact de l’action des mécanismes de contrôle de l'OIT, qui ont permis d'améliorer considérablement le cadre législatif du pays dans ce domaine.

Pendant des années, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a émis des commentaires sur les violations des dispositions de la Convention de 1930 sur le travail forcé (n° 29) au Myanmar. Une commission d'enquête a été nommée par le Conseil d'administration en mars 1997 en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT. La nomination de cette commission d'enquête a été suivie par l'adoption, par la Conférence internationale du Travail, d'une résolution visant à garantir la mise en place de mesures pour remédier à la perpétuation ou à l’extension du système de travail forcé ou obligatoire relevé par la commission d'enquête. La coopération entre l'OIT et le gouvernement a été renforcée en 2001, d’un part avec la signature d'un accord autorisant une équipe de haut niveau à évaluer la réalité du terrain en matière de travail forcé dans le pays et, d’autre part, par la nomination d'un agent de liaison de l'OIT au Myanmar.

Un mécanisme de dépôt de plaintes a été créé dans le cadre d’un accord complémentaire entre l'OIT et le gouvernement en 2007, avec pour objectif de donner aux victimes de travail forcé la possibilité de porter plainte auprès des autorités compétentes en vue de demander réparation. À la suite de l'abrogation de la Loi sur les villages et de la Loi sur les villes de 1907, abrogataion qui avait été spécifiquement demandée par la Commission d'enquête, la commission d'experts a salué les avancées encourageantes réalisées par le gouvernement dans la mise en application de la Convention sur le travail forcé. La Commission d'experts a en outre encouragé le gouvernement à poursuivre les efforts en cours pour parvenir à l'élimination du travail forcé sous toutes ses formes, tant en droit que dans les faits.

La Commission d'experts a par ailleurs salué l'adoption de la Loi sur l'organisation du travail, qui est venue combler les lacunes du cadre législatif national en matière de droit des travailleur·euse·s à former des organisations de leur choix ou à y adhérer. Lorsqu'elle entrera en vigueur, la Loi sur l'organisation du travail permettra aux organisations de travailleurs nouvellement constituées d'exercer pleinement leurs activités syndicales, y compris dans l’optique de contribuer à l'élimination complète et effective du travail forcé. Compte tenu des récents progrès accomplis, la Conférence internationale du Travail a décidé, lors de sa session de 2013, de mettre fin aux mesures spéciales qui avaient été mises en place pour garantir l’observance, par le Gouvernement du Myanmar, des obligations internationales qu'il s’était engagé volontairement à respecter.


Ressources


[1] Résolution concernant la discussion récurrente portant sur les principes et droits fondamentaux au travail, Conférence internationale du travail, 2012, paragraphe 5.

[2] Article 23. Voir également les Articles 20, 22, 24 et 25.

[3] Il est également question du droit à un travail décent à l'Article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à l'Article 11 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, à l'Article 32 de la Convention relative aux droits de l'enfant et aux Articles 25, 26, 40, 52 et 54 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.